Mouvement mêlant hightech et contre-culture, le cyberpunk a la particularité d’être méconnu, tout en étant omniprésent. Moribond à la fin des années 90, il n’a jamais rendu les armes. D’ailleurs, depuis quelques années, on assiste à une résurgence du genre.
Le film Blade Runner 2049, la série Altered Carbon, le jeu vidéo Cyberpunk 2077, l’adaptation live de Ghost In The Shell… Ce sous-genre majeur de la SF retrouve le chemin des médias populaires.
Cela augure-t-il d’un retour en force du Cyberpunk ? L’avenir nous le dira. Mais c’est pour moi l’occasion d’évoquer ce mouvement dans lequel s’inscrit mon dernier roman : ReVoltaire.
Aux origines du Cyberpunk, roman noir, no futur et technologie
Le Cyberpunk est l’association de la cybernétique et du Punk, le mouvement libertaire qui c’est notamment fait connaître par ses crêtes. Cependant, là où le Punk était dans le refus frontal de la technologie « No Futur! », le Cyberpunk interroge le rapport de l’homme avec la technologie. En constatant que le « Futur is Now », il interpelle sur l’avenir que nous forgeons à l’instant présent.
Le Cyberpunk s’est également construit en réaction avec la littérature SF dominante de l’époque, celle d’Asimov, Dan Simmons et tant d’autres, pour proposer une littérature plus terre à terre et surtout, beaucoup plus sombre, qui s’interroge davantage sur les conséquences sociologiques des technologies. En cela, le phénomène n’est pas sans rappeler celui du roman noir apparu dans les année 1920, en réaction avec le genre policier dominant à cette période, celui des détectives logiciens chers à Conan Doyle ou Agatha Christie.
Ainsi, il existe une filiation évidente avec le roman noir. Beaucoup d’œuvres Cyberpunk ont pour personnage principal un policier, un détective ou assimilé. Blade Runner, Ghost In The Shell ou encore le plus récent Carbone modifié en sont de parfaites illustrations.
D’ailleurs la panoplie du détective n’a guère changée entre le Cyberpunk et le roman noir. C’est toujours regard et nerfs d’acier, long manteau et gros flingue.
Les thèmes du Cyberpunk
Passée l’idée initiale, le cyberpunk a exploré de très nombreux thèmes et en faire une liste exhaustive serait une gageure. Chaque avancée technologique ouvre de nouvelles portes, qui sont chacune une fenêtre vers plusieurs destinations, selon le point de vue que l’on aborde.
Voici quelques uns des thèmes du Cyberpunk qui me semblent être parmi les plus fondamentaux.
Mégalopoles et Mégacorporations
Le futur Cyberpunk se déroule souvent dans des cités tentaculaires et surpeuplées où l’état a abandonné une grande partie de ses missions au profit de multinationales toutes puissantes. Cette hypothèse hyper-libérale-capitalistique, dans laquelle l’utilisation des technologies est totalement débridée, puisque sans contraintes, permet toutes les expérimentations.
Pour le Cyberpunk, il s’agit bien sûr de critiquer cette hypothèse et d’en montrer les abus. Cet un univers désenchanté, où la liberté est privatisée et contrôlée, où le pouvoir de l’argent a pris le dessus sur les autres alternatives.
Esprit libertaire et anarchie
Corollaire anticapitaliste du thème précédent, le Cyberpunk possède un vieux fond libertaire qu’il a hérité du mouvement Punk. Dans les récits du genre, les personnages principaux luttent souvent pour échapper au contrôle d’entités omnipotentes. Il n’est pas rare que le héro ou l’héroïne Cyberpunk soit du genre égoïste nihiliste qui cherche simplement à se frayer chemin entre les visées asservissantes des mégacorporations.
Virtuel et Réel
Dans ses romans, Philip K.Dick s’interrogeait : « Qu’est-ce qui est réel, qu’est-ce qui est virtuel ? ». Le Cyberpunk a apporté une réponse. Tout est réel, tout est virtuel. Ou, plus exactement, le virtuel est un nouvel espace d’action qui vient compléter le réel.
Ce thème est déjà omniprésent dans le Neuromancien, et il se retrouvera des années plus tard dans la série des films Matrix, qui empreinte d’ailleurs son nom à celui utilisé par W. Gibson dans son roman pour désigner le monde virtuel.
Vie artificielle et espace mémoriel
La question d’une vie issue de la technologie (ou de la science) est très ancienne. Mythe du Golem, créature de Frankenstein, puis plus tard les robots intelligents, comme ceux d’Asimov, il existe toute une tradition narrative de l’homme qui recrée la vie. Là où le Cyberpunk innove, c’est dans la forme que peut prendre cette vie.
Avec le virtuel comme complément du réel, la vie n’a plus besoin d’un support matériel. Elle peut devenir totalement immatérielle. La pulsion de la vie ne vient plus d’un cœur qui bat, mais d’une mémoire qui se remémore et imagine.
Dès lors, on peut inverser le processus, et non plus explorer l’idée de la machine qui devient vivante (Singularité de l’intelligence artificielle), mais du vivant qui intègre la machine, donnant naissance à une forme de vie composée de mémoire stockée numériquement et virtuellement immortelle.
ReVoltaire
Mon roman ReVoltaire s’inscrit dans le genre Cyberpunk et essaie de reprendre certains de ces grands thèmes en les adaptant aux problématiques actuelles.
C’est donc un roman noir, dans tradition du thriller SF technologique, menée par une enquêtrice aussi chevronnée que désabusée.
C’est le fruit de plus de 10 ans de réflexion et de recherches, qui me font dire que le Cyberpunk demeure un sous-genre idéal de la SF pour explorer certaines questions. Notamment le rapport à l’intelligence artificielle, les questions liées à l’utilisation massive des données, ou encore le déterminisme algorithmique. Des questions aujourd’hui centrale dans notre rapport à la technologie.
Pour les curieux, les premiers chapitres sont disponibles ici.
Post nécrologie du Cyberpunk
Les prémisses du Cyberpunk peuvent être décelés dès les années 1970, mais c’est véritablement dans les années 80 que le mouvement va exploser et se faire connaître, à travers un certain nombre d’œuvres phares. On ne va pas refaire un cour d’histoire ici, mais seulement rappeler deux étapes clés dans l’avènement du mouvement.
1982 : sortie du film Blade Runner, qui, pour beaucoup, fait office de manifeste Cyberpunk avant l’heure.
1984 : publication du Neuromancien de William Gibson, considéré comme le roman étalon du genre.
C’est d’ailleurs cette année-là, 1984, que Gardner Dozois utilise pour la première fois le terme Cyberpunk dans Asimov SF magazine. Neuromancien va inspirer de nombreuses œuvres par la suite, dans la littérature, le cinéma, la bande-dessinée… même le jeu de rôle, avec Shadow Run. On retrouve son influence jusque dans des œuvres qui ne se réfèrent pas directement au genre, tel Cowboy Bebop.
La fin des années 80 et le début des années 90 seront prolifiques, notamment au japon avec des mangas comme Ghost in the Shell de Mazamune Shirow . Cependant, dès le milieu des années 90, le genre va connaître un essoufflement important. Certains allant même jusqu’à dire que le mouvement était mort. Et si en effet, le mouvement en tant que laboratoire précurseur de la contre-culture libertaire, n’existe plus, son influence reste bien réelle et de nombreux auteurs continuent de se revendiquer du Cyberpunk. À l’instar de Richard Morgan, qui y a consacré une trilogie plutôt réussie au début des années 2000 et récemment adaptée en série.
Pour aller plus loin
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyberpunk
https://usbeketrica.com/article/le-cyberpunk-pour-les-nuls
https://data.bnf.fr/fr/15575910/cyberpunk__mouvement_/
Si cet article vous a plu, merci de le partager sur vos réseaux sociaux ou de me laisser un commentaire sur Instagram, Twitter ou Facebook.