Van Gogh - nuit étoilée

Les histoires à style : exercices et genre

Une image composée par touche, les coups de pinceau nettement visibles, des couleurs vibrantes, un rendu qui recherche l’expression générale plutôt que le réalisme… D’un regard on reconnait la patte de Van Gogh, peu importe le tableau, peu importe le sujet. C’est du Van Gogh.

Idée, décor, personnages, événement et style sont les cinq éléments indispensables qui composent une histoire, mais leur importance n’est pas égale selon les histoires. Qu’en est-il quand le style est la force directrice d’un récit ?

Cet article fait suite à celui sur Les cinq éléments de l’alchimie romanesque. Si vous ne l’avez pas lu, je vous invite à le faire.

Le style, rien que le style

Inutile de tourner autour du pot. Les histoires centrées sur le style sont… des exercices de style. Waoo. N’est-ce pas ?

On ne peut déterminer de schéma, toutefois un élément ressort. Un choix dans la façon d’écrire l’histoire influence de manière importante tous les autres aspects. Le parti prit se retrouve jusque dans l’idée. De fait, ces histoires sont assez rares (du moins de nos jours).

Dans La disparition, il s’agissait pour Perec d’écrire un roman sans « e ». Tout tourne autour de cette idée. Le choix du titre et le thème (une personne est portée disparue) en découle directement. Les tournures de phrase, le vocabulaire sont directement influencés par ce choix.

Dans Outrage et Rébellion, Catherine Dufour a également fait un choix narratif fort. Le récit est rapporté comme s’il s’agissait d’un documentaire ou d’un reportage, par une série d’interviews fragmentés des protagonistes qui se remémorent les événements passés. Ce choix impose un certain découpage de l’intrigue, l’utilisation de la 1ère personne, des points de vue externe (le personnage principal, celui qui est le sujet du documentaire, est mort). Le style est clairement l’élément qui domine, bien que d’autres soient très présents, notamment le décor et une belle galerie de personnages.

Catherine Dufour aurait pu écrire son roman de façon plus conventionnelle, mais aurait-il eu le même attrait ? Je n’en suis pas certain.

Attention, un style marqué ne veut pas dire que le récit est un exercice de style. La Horde du Contrevent, malgré un choix narratif similaire sur de nombreux points (l’histoire est elle aussi raconter à la 1ère personne, de façon alternée entre les différents protagonistes qui possèdent chacun leur voix propre) et une forte recherche sur le vocabulaire, n’est pas une histoire centrée sur le style, mais bien sur le décor. L’objet de la quête des personnages est de parcourir le monde pour remonter à la source du vent et le lecteur remonte cette source avec eux. Le point de vue est toujours interne, surtout, il n’y a pas fragmentation du récit.

Ecrire le style ?

Plus haut, j’ai dit que ces histoires étaient rares de nos jours. Il n’en a pas toujours été ainsi. Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblerait tel ou tel roman s’il était écrit à la manière d’une chanson de geste avec des alexandrins ? Ou en haïkus ? Le rythme, le découpage, la distance avec les personnages… tout serait chamboulé ! Le style plus encore que les remaniements scénaristiques, me semble un bon moyen de renouveler une histoire déjà vue et revue.

La poésie est une merveilleuse façon de raconter des histoires avec pour centre d’intérêt le style. Le dormeur du Val peut être décrit comme une novelette, avec un début, un milieu et une fin.

Nous avons une situation initiale :
C’est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent ;

Un élément déclencheur :
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ;

Une chute :
Il a deux trous rouges au côté droit.

L’histoire se résume à rien. Le style, la force des mots de Rimbaud, lui donne tout.

Le style est le reflet de l’époque, tout autant que de l’écrivain qui le manie. Le style peut-être un moyen de transcender une histoire classique ou banale, mais c’est nécessairement un exercice difficile qui demande une grande maîtrise.